Isabel se retourna encore et encore entre les lourdes couettes et autres oreillers qui recouvraient son lit. Elle n'arrivait pas à dormir d'un sommeil profond. Au contraire, il était agité et fragile comme l'aile d'un papillon. A peine effleurée, celle-ci se déchirait entre les doigts de son agresseur. Un filet de sueur lui coulait sur la nuque. Elle avait chaud. Mais dès qu'elle quittait le cocon douillet des couvertures, elle se réveillait transie de froid. Sa fine chemise de nuit ne suffisant pas à la réchauffer. Isabel détestait le mois de mars. Elle détestait la pluie, les temps humides et instables. Elle serra les poings. La douce musique de la pluie venait de carillonner à son oreille, tapant contre la vitre comme si elle voulait entrer à l'intérieur. Isabel ouvrit ses paupières et regarda le plafond. Essayer de s'endormir ne servait à rien. Elle n'y arriverait pas tant qu'elle serait contrariée. Malheureusement, elle ne pouvait rien dire à Annie. En effet, elle et sa soeur ne dormaient pas dans la même chambre, contrairement à Warwick Castle. Et bien que l'idée de traverser le château à sa recherche lui avait traversé l'esprit, elle ne l'exécuterait en rien. Et si quelqu'un la voyait ?

Dans un excès de colère, Isabel se retourna, sa tête dans l'oreiller et cria de toutes ses forces. Personne ne pouvait l'entendre, les murs de pierres étaient bien trop épais pour ça. L'aînée Warwick ne pouvait s'empêcher de repenser au refus du roi concernant son mariage avec George. Ainsi, elle ne deviendrait définitivement pas duchesse de Clarence ? Mais pourquoi lui refuser ce petit bout de bonheur ? Elle qui rêvait tant de le devenir ! De plus, George ne lui déplaisait pas. Il était charmant garçon et pas beaucoup plus âgée qu'elle. Et duchesse Cecily serait bien évidemment heureuse de cette union. En fait, Isabel restait persuadé que c'était encore un coup de sa maîtresse, Elizabeth Woodville. Maintenant qu'elle avait du pouvoir, elle ne voulait plus s'en défaire. Pire même, elle voulait éloigner le comte de Warwick du roi ! Isabel ne comprenait pas comment Edward pouvait se laisser gouverner par une roturière. Cela relevait de la magie, sans aucun doute. Mais elle aurait dû s'y attendre, son père l'avait prévenu.

De nouveau dans une position adéquat, le corps étendu sur les draps, les paupières closent, Isabel se mit à respirer calmement pour se détendre. Demain, elle devra servir celle qui avait décidé de gâcher son mariage. Elle devait pour ça éviter de penser au refus et à la colère terrible de son père qui avait suivi après la nouvelle. Isabel commençait même à sentir le sommeil l'envahir de toutes parts. Mais des bruits de pas se firent entendre ainsi qu'une respiration saccadée, presque affolée. Ses sourcils se froncèrent. Soudain elle sentit des mains empoigner ses épaules et la secouer. La fille Neville ouvrit les yeux. Il faisait nuit noire. Impossible pour elle de voir l'étranger qui avait osé pénétrer dans sa chambre. Pourtant, elle sut que c'était une femme. Un homme ne pouvait évidemment pas avoir une chevelure aussi longue et abondante. Néanmoins, une lueur d'effroi parcourra le regard de la jeune fille. Elle se débattit, faillit crier, mais se retint de justesse en reconnaissant sa soeur. Mais que pouvait bien faire Anne, en plein milieu de la nuit, à venir la secouer comme un pommier ? Isabel se détendit, mais garda un oeil sévère.

« Annie ? »

Mais celle-ci continuait de lui écraser les épaules de ses petites mains.

« Anne ! chuchota Isabel, assez fort pour que sa soeur l'entende cette fois. Es-tu devenue folle ?! Te balader comme cela en pleine nuit, pour venir me réveiller. J'espère que tu as une bonne raison. Tu n'as même pas pris de chandelle pour t'éclairer. »

Tout en réprimandant sa soeur d'un ton dur, mais pas méchant, elle se leva et alla allumer une bougie. Mais lorsqu'elle se retourna pour enfin voir sa cadette, Isabel mis une main devant sa bouche. Une vision effrayante s'offrait à elle. Annie, les yeux rouges, les cheveux en batailles, sa chemise blanche couverte d'un sang aussi rouge que celui de la rose Lancastre. Et bien qu'elle eut déjà une petite idée de la chose, Isabel ne put s'empêcher de demander.

« Mais Annie ... que t'est-il arrivé ? »